« La sagesse des dieux et des bienheureux ne s’exprime pas par de belles phrases, mais par de belles images.» Plotin
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L’empire du geste (extrait d’un article de Daniel Glintzdans la revue “Animan”). Au Japon, le geste pèse plus que les mots. Depuis des siècles, les postures et les mouvements sont travaillés, cultivés, codifiés. La clé réside dans l’application de postures et de gestes techniques. La beauté du geste vient de la concentration et de l’inlassable répétition. Un geste doit être exécuté dix mille fois jusqu’à ce qu’il ait une identité parfaite avec le corps de l’acteur et que toute notion de dualité se soit estompée. D’où l’importance de respecter la forme juste, la séquence et l’enchaînement correct de chaque mouvement. Ce que l’on désigne généralement par le terme de kata. Comptez donc au moins dix semaines pour apprendre à tenir correctement le pinceau du calligraphe. Dix mois pour tracer une ligne. Vingt ans pour obtenir une écriture acceptable. Une vie entière, voire plusieurs réincarnations, pour que vos oeuvres soient dignes d’être montrées en exemple à la postérité. Partager une certaine gestuelle marque aussi l’appartenance, voire l’identification avec un groupe précis, une corporation ou une classe sociale. -Comme le ferait l’utilisation d’un jargon professionnel ou de certaines expressions de langages propres à un milieu défini. Ainsi votre style de vous tenir immobile ou de bouger indique votre degré d’intégration ou de non-intégration dans le groupe. Et puisque le respect des formes contribue à son tour à maintenir intactes les valeurs de la société, il révèle dans quelle mesure vous les acceptez ou les rejetez. Historique : L’écriture n’est pas quelque chose de normal. C’est un fait de civilisation. Elle est née d’un besoin : la civilisation mésopotamienne reposait sur l’agriculture et l’élevage, le pouvoir était très centralisé, il fallait que tout soit compté et mémorisé... Ainsi naquit l’écriture: de la nécessité de mémoriser combien de vaches avaient été vendues, combien de sacs de blé avaient été livrés, et quelles taxes les maîtres du pays pouvaient exiger de leurs sujets... Parallèlement, ces hommes savaient exprimer leurs pensées, leurs états d’âme par l’art, le dessin et la sculpture. Ils avaient inventé des signes et des symboles. Ce fut à partir de ceux-ci que s’élaborèrent des signes qui se structurèrent ensuite en un système graphique de plus en plus précis. L’écriture sumérienne était basée sur des pictogrammes, c’est-à-dire des dessins représentatifs d’objets ou d’êtres vivants. Elle comportait au moins 1’500 symboles que les “auteurs” de ce temps pouvaient combiner pour signifier des sens nouveaux. Vers 2’900 avant notre ère, les pictogrammes disparurent au profit d’une écriture dite “cunéiforme” basée sur des signes moins réalistes mais plus faciles à tracer (d’où un gain de temps), et surtout, nettement moins nombreux. A cette époque, l’écriture, la lecture, la composition de textes étaient l’apanage d’une classe, celle des scribes, une classe intellectuelle. Parfois aussi le monopole des prêtres et du clergé... Notez au passage que les pictogrammes sont revenus à la mode : c’est un moyen de communication simple et universel, que l’on peut facilement utiliser le long des routes, dans les gares ou dans les aéroports... C’est seulement vers le XIVè. siècle avant notre ère qu’il faut placer la remarquable invention de l’alphabet par les phéniciens. On a retrouvé en Syrie des tablettes d’argile où apparaît un alphabet cunéiforme de 30 signes. Cet alphabet dont l’origine reste obscure ne comportait que des consonnes. C’est aussi le cas de certains alphabets encore utilisés de nos jours (l’hébreu et l’arabe, par exemple). L’absence de voyelle force le lecteur à posséder une vision globale de la page et l’oblige à donner une interprétation humaine des mots lus. Savoir lire, c’est faire intervenir le sens pour déchiffrer le texte : la tradition orale reste ainsi accolée à la civilisation de l’écrit en train de naître. Les textes écrits ne peuvent faire que référence aux mythes du passé, donc uniquement au sacré. Dans ce contexte, on ne peut lire que si l’on connaît déjà ce que l’on lit, au moins dans ces grandes lignes. D’où la nécessité d’apprendre par coeur les ouvrages à lire. C’est ce qui se pratique encore couramment dans beaucoup d’écoles coraniques... L’alphabet, une fois constitué, devait connaître une très longue suite d’évolutions affectant davantage sa forme que son contenu. L’introduction de voyelles dans l’écriture grecque permet au lecteur une approche décontextualisée du même texte; chaque mot peut être pris séparément, il a un sens en tant que tel. Le langage s’extériorise, perd sa dimension sacrée. L’écriture devient une technique, et peut alors émerger une science objective, débarrassée comme le langage des rapports entre l’homme et le cosmos. L’introduction des voyelles permet la théorisation et renverse les modalités de pensée. Les échanges oraux-publics se transforment en échanges vocauxprivés, le collectif est supplanté par la personne privée, par l’individu. Ce thème ouvre une quantité de choix de sujets possibles, qui vont de la calligraphie pure au pictogramme, au monogramme avec image ou sans, ou en perspective, au graffiti, au mot imagé, etc. Les techniques peuvent aussi être très variées : les encres, les crayons, le neocolor I gratté, le neocolor II mouillé, la gouache, etc. Références et bibliographie http://www.bnf.fr/pages/pedagos/pages/indexdos.htm (historique complète) http://perso.libertysurf.fr/ol1jb/cards/cartes.htm (caaligraphie japonaise) http://f.laval.free.fr/Articles/Callig/callig.htm (calligraphie médiévale) http://www.pipo.com/guillermito/calli/ (écriture latine) http://ductus.free.fr/pAccueil.htm (assoc. calligraphes) http://www.ms.unimelb.edu.au/~mercat/Celte/introd.html (celtique) http://www.savimedia.fr/massoudy/home.htm The Book of Kells", by Aidan Meehan, Celtic Design: Animal Patterns (Thames and Hudson, London 1992) (bible médiévale) L’abc du Calligraphe (Edition Dessain et Tolra) Hassan Massoudy Le chemin d'un Calligraphe (Edition Phébus)
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Ecriture cunéiforme Introduction Bien que son aspect "en forme de coins" dérive de l'évolution d'une écriture pictographique, la tradition attribue le nom de cunéiforme à l'ensemble du système graphique le plus important de l'Asie occidentale ancienne. Naissance vers 3 300 avant J.-C. Lieu Mésopotamie Ascendance écriture originale Système - idéographique syllabique - occasionnellement alphabétique (alphabet ougaritique, "alphabet syllabique" vieux-perse). Signes - 300 à 900 signes pour le système syllabique et idéographique, - une trentaine de signes pour les adaptations alphabétiques de la côte orientale de la Méditerranée, - 36 signes pour "l'alphabet syllabique" vieux-perse. Lecture - à l'origine de droite à gauche et en colonnes, - puis de gauche à droite et en lignes à partir d'environ 2400-2350 avant J.-C. pour l'écriture cursive, et à partir du IIe millénaire avant J.-C. pour l'écriture monumentale. Langues notées une quinzaine de langues et des dialectes : sumérien,élamite, hurrite, akkadien, assyro-babylonien, éblaïte, cananéen, ougaritique, hittite, vieux-perse, etc... Documents - les plus anciens connus : tablettes administratives d'Uruk (pays de Sumer) Usage - NON : le dernier texte babylonien connu date de 75 après J.-C. |
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Ecriture grecque Naissance vers Xe siècle avant J.-C. Lieu Grèce Ascendance alphabet phénicien Système alphabétique, invention des voyelles Signes 24 Lecture - de droite à gauche, - en boustrophédon, - puis de gauche à droite. Langues notées - grec ; - langues antiques comme l'ionien, le dorien. sert pour le langage scientifique et mathématique. Documents le plus ancien (VIIe siècle avant J.-C.) : le code de Dréros , cité grecque, le plus ancien décret juridique conservé. Usage OUI |
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Ecriture étrusque Naissance VIIIe-VIIe siècle avant J.-C. Lieu Toscane Ascendance alphabet grec Système alphabétique Signes 26 Lecture de droite à gauche Langues notées étrusque, langue toujours inconnu bien qu'elle soit lue. Documents inscriptions funéraires Usage NON, mais à donné naissance à l'alphabet latin. |
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Ecriture latine Naissance Ve siècle avant J.-C. Lieu Italie Ascendance alphabet étrusque Système alphabétique Signes 19, 24 puis 26 Lecture - de droite à gauche, en boustrophédon, - puis de gauche à droite. Langues notées - latin, langues romanes ; - de nos jours, un grand nombre de langues Documents les plus anciens : inscriptions sur pierre, terre cuite, métal et papyrus. Usage OUI |
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Ecriture phénicienne Naissance Entre les XIIIe et XIe siècles avant J.-C. Lieu Proche-Orient, Byblos, Tyr. Ascendance Alphabet ougaritique. Système - Consonantique. Signes - 22 signes. Lecture - De droite à gauche. Langues notées L'alphabet phénicien pouvait transcrire dans l'Antiquité les principales langues de la région où il fut inventé. Il a été adopté et adapté par des langues très diverses, indoeuropéennes aussi bien que sémitiques. Document - le plus ancien connu : le sarcophage du roi Ahiram à Byblos (XIIIe siècle avant J.C.) Usage - Il n'est plus en usage. - Il est l'ancêtre de presque tous les alphabets et note les langues sémitiques et la plupart des langues indo-européennes. |
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Ecriture arabe Naissance IVe-Ve siècle après J.-C. Lieu Arabie Ascendance syriaque ou nabatéenne Système alphabétique, consonantique Signes 28 Lecture de droite à gauche Langues notées arabe, persan, turc-ottoman, malais, ourdou et plusieurs langues africaines Documents les plus anciens connus : tombe d'Imrul- Qays à Namara (328), sanctuaire de Haran près de Damas (568) Usage OUI |
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Ecriture éthiopienne Naissance IVe siècle après J.-C. Lieu Abyssinie, Afrique orientale Ascendance Écritures sudarabiques (sabéenne, himyarite) issues de l'alphabet ougaritique. Système syllabique Signes syllabaire de 182 signes constitués à partir de 26 caractères de base Lecture de droite à gauche, et de gauche à droite Langues notées ge'ez, amharique, tigrinya, tigré, etc.... Documents - les plus anciens : pièces de monnaie et inscriptions du IVe siècle après J.-C. Usage OUI |
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Ecriture hébraïque Naissance XIe siècle avant J.-C. Lieu Proche-Orient Ascendance alphabet phénicien Système alphabétique, consonantique Signes 22 Lecture de droite à gauche Langues notées hébreu, araméen, yiddish, judéo-espagnol, judéo-arabe, etc.... Documents - le plus ancien : calendrier de Gezer (ca 950 avant J.-C.) Usage OUI |
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Ecriture égyptienne Naissance 3200 avant notre ère Lieu vallée du Nil Ascendance écriture originale Système Système mixte, utilisant : - idéogrammes, - phonogrammes, - déterminatifs. Signes - 700 signes au début du IIe siècle - avant J.-C., - 5000 à l'époque gréco-romaine. Le système est le même dans les deux styles cursifs successivement inventés pour écrire sur des supports plus souples que la pierre, le hiératique et le démotique. Lecture plusieurs sens de lecture : - de gauche à droite, - de droite à gauche, - verticalement. Les signes représentant des êtres animés, hommes ou animaux, indiquent le sens de lecture. Ils regardent presque toujours vers le début de la ligne. Langues notées - égyptien Documents - le plus ancien connu : palette de pierre du roi Narmer (musée du Caire), - 3100, elle commémore la conquête de la Basse Egypte. Usage - la dernière inscription connue date de 394 après J.-C., elle a été retrouvée dans l'Ile de Philae. Mais l'écriture copte emprunte à l'écriture hiéroglyphique sept de ses caractères. |
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Ecritures africaines Naissance les principaux alphabets proprement africains (vaï, mendé, bamoun et bassa) sont nés au XIXe siècle. Ils empruntent leurs graphies à des traditions millénaires. Lieu les graphies proprement africaines se trouvent en Afrique de l'Ouest Ascendance invention complète de chaque caractère Système syllabaires Signes entre 100 et 200 signes. Lecture toutes de gauche à droite, sauf le mendé de droite à gauche. Langues notées l'Afrique foisonne de langues, de 700 à 1500 selon la distinction établie entre langues et dialectes du Nigéria au Sierra-Leone et du delta du Niger jusqu'au Cameroun. Usage la plupart des systèmes ont cédé la place à des transcriptions romanisées au début du XXe siècle, sauf le vaï qui est toujours en usage. |
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Ecriture chinoise Naissance XIVe siècle avant J.-C. Lieu Anyang, province du Henan. Ascendance écriture originale Système idéophonographique Signes - 49 905 dont 3000 d'usage courant Lecture - vertical, de droite à gauche, - actuellement horizontal ou vertical, de droite à gauche et de gauche à droite. Langues notées le chinois a inspiré d'autres écritures telles que : - le japonais, - le coréen, - le sino-vietnamien. Documents - documents les plus anciens connus : inscriptions oraculaires. Usage OUI |
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Ecriture japonaise Naissance - au Ve siècle pour les kanji appelés man'yô-gana : système de notation utilisant uniquement les caractères chinois; - au cours du IXe siècle les kana : signesà caractères phonétique issus des caractères chinois Lieu Japon Ascendance création d'un système à partir des caractères chinois Système - idéogrammatique pour les caractères chinois, les kanji notant substantifs, radicaux des verbes et adjectifs, noms propres ; - phonétique (syllabique) pour les kana (hiragana notant désinences des motsà flexion, mots outils, certains verbes et adjectifs ; katakana notant mots d'origineétrangère et certaines onomatopées) Signes - plus de 40 000 kanji dont environ 3000 usuels ; - 46 hiragana et 46 katakana (48 en japonais classique) Lecture vertical de droite à gauche traditionnellement ; - parfois horizontal de gauche à droite Langues notées japonais Documents les plus anciens : texte bouddhique en katakana et hiragana daté de 828, accompagné de la notation complémentaires en katakana et hiragana. Usage OUI |
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Ecriture cyrillique Naissance : Il a été inventé par les Saints Cyrille et Méthode au IXè siècle. Lieu : Russie - est aussi utilisé pour le Serbe - l'ukrainien - le biélorusse - le bulgare - ainsi que d'autres langues comme l'azeri - le kazakh - le turkmène - le tadjik Signes : il comporte pour le russe 32 lettres dont 20 consonnes. La réforme intervenue en 1917 a supprimé 4 lettres. Les serbes utilisent 5 lettres particulières Lecture : de gauche à droite Usage : oui |
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Ecriture nahuatl des Aztèques Naissance XIIIe siècle après J.-C. Lieu Vallée de Mexico Ascendance écriture mixtèque influence toltèque Système Tout sauf alphabétique Signes faute d'études, le nombre est inconnu. Il pourrait être de quelques centaines. Lecture en boustrophédon, c'est à dire : - de gauche à droite puis de droite à gauche, - ou indifféremment dans les deux sens. Langues notées nahuatl Documents - documents connus : tous détruits, les documents qui nous sont parvenus sont des corpus mêlant l'écriture nahuatl et l'écriture latine, rédigés à partir du XVIème siècle par des religieux et des juristes espagnols Usage NON. S'éteint en 1521 avec la conquête espagnole. |
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Ecriture maya Naissance les premières ébauches pourraient remonter au IVe siècle avant J.-C. Lieu Amérique centrale, triangle Mexique, Honduras, Guatemala. Ascendance protoécritures méso-américaines, notamment de la vallée de Oaxaca vers 600 avant J.-C. Système écriture mixte, logographique et phonétique de type syllabique. Signes un millier de signes (glyphes) dont plus de quatre-vingt signes syllabiques. Lecture L'ordre des signes connait des variantes multiples. A l'intérieur d'un bloc glyphique, le plus souvent de gauche à droite puis de haut en bas. Langues notées une trentaine de langues mayas. Documents les plus anciens connus : stèle du IIe siècle après J-C. Usage NON. L'invasion espagnole a détruit l'essentiel de la culture maya (1ère moitié du XVIe siècle) |
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Calligraphie et pouvoir extrait d'un texte de Claude Mediavilla L'univers des signes et de la calligraphie est animé par un génie qui nous fascine et nous consiste à insuffler la vie à l'écriture, et à véhiculer à travers elle la sensibilité et l'émotion artistique. Plusieurs auteurs ont publié des ouvrages généraux et des monographies éruditesà propos du signe, abordé sous divers aspects, mais peu se sont attachés à ce problème à la lumière d'une vision libertaire. Il faut avouer que le sujet est assez inédit et promet de nous réserver quelques surprises. Dans cette étude, nous nous proposons, au travers de l'histoire de la calligraphie, de nous interroger sur le statut et le devenir d'un des fondements de notre civilisation face à l'autorité et au pouvoir. La calligraphie est l'art de former les signes de manière expressive, harmonieuse et savante. Exposée ainsi de façon abrupte, cette simple phrase tente de dégager une définition où chaque mot a son importance et sa valeur significative. L’étymologie pourtant ne nous éclaire que pour mieux limiter notre champ de vision : le mot calligraphie est issu des termes grecs kallos (beauté) et graphein (écrire), ce qui correspond en français à "belle écriture'. Or, écriture belle ou enjolivée, est une expression qui ne donne nullement une compréhension du contexte et pourrait même apparaître comme un contresens, laissant entendre qu'il s'agit là d'une joliesse décorative, presque mièvre. Cette définition implique donc des sous-entendus qu'il nous appartient d'éclaircir. Chez les Grecs en effet, kallos signifie beauté dans le sens de force et plénitude de l'expression plastique et non beauté dans la terminologie actuelle.
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Ci-dessous, un tableau synoptique de l'évolution de l'écriture. Du signe égyptien au latin "moderne. Remarquez comme certaines lettres sont directement inspirées d'exemples bien concrets, comme la tête de boeuf pour le "A" la barrière pour le "H", ou l'eau pour le "M". Alphabet (de alpha et beta, les deux premières lettres de l'alphabet grec), série de signes graphiques, chacun représentant un ou plusieurs phonèmes donnés, qui peuvent être diversement combinés pour former tous les mots d'une langue. |
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